
Jour 2, l’on s’organise
En à peine une journée, j’ai eu quatre conversations différentes avec mes clients :
1. Société de conseil internationale : le Président
Patrick, compte tenu de ce qui se passe, nos facturations seront sous tension. Je ne pense pas qu’il soit raisonnable de poursuivre dans notre projet de déménagement et de nous mettre de nouvelles dépenses sur le dos. Je verrai avec mes associés ce soir ce qu’il y a lieu de faire, mais probablement nous annulerons le projet. Engage les conversations avec les bailleurs.
2. Société de conseil internationale : l’Associée en charge de l’immobilier
Notre bail vient à échéance l’année prochaine. Cette crise nous fait tanguer un peu. J’envisage deux pistes pour le moment. La première est de demander un moratoire sur les échéances de loyer. La seconde de renégocier le bail en renouvelant la durée ferme. Peux-tu tester notre bailleur ?
3. Capital investissement : la Secrétaire Générale
C’est l’occasion de nous mettre sous tension et de réfléchir sur un mode d’organisation alternatif. Nos projets de digitalisation seront accélérés et cela devra avoir un impact sur l’utilisation des espaces. Au lieu de déménager, nous densifierons par une nouvelle méthode de travail. Cette crise est une opportunité pour nous.
4. Grande entreprise de services : le DRH
Nous avons à affronter un ennemi interne, la perte de cohésion sociale. Les gens, à force de ne pas se voir devront garder le mental au travail. Tout le monde n’a pas ce mental. Les gens vont se révéler. Dans de nombreux cas, nous ne pouvons pas faire du télétravail. Nous allons accélérer notre programme de formation de groupe pour une partie des équipes, la dircom appelle chaque télétravailleur une fois par jour pour assurer « la pause-café » virtuelle. Quelles sont vos idées pour maintenir le lien social ? Que font vos clients ?
Il y a ceux qui ont vécu des crises comme 1990, la bulle de 2000, 11 septembre 2001, 2008, …qui savent qu’elles passent avec plus ou moins d’impact à moyen terme et qu’il faut se concentrer sur l’essentiel : être capable de redémarrer avant les autres. En attendant, faire preuve d’agilité, soigner le personnel, digitaliser, questionner l’utilisation des espaces de travail.
En 2020, contrairement aux crises précédentes, tout le monde est informé en temps réel et la digitalisation permet – pour certains – le travail à distance.
En 2020, les entreprises sont mieux préparées aux crises :
- Reconstitution des fonds propres et solidité de la trésorerie pour un grand nombre
- Digitalisation accrue y compris avec les Institutions de l’Etat
- Généralisation des outils de télétravail
- Une capacité inouïe à s’organiser, à innover
La sortie de crise aura certainement des conséquences inédites :
- Prise de conscience des entreprises sur l’organisation du travail et la réponse immobilière, la digitalisation de toutes les fonctions de l’entreprises, l’adaptation accélérée de l’organisation des espaces (flex, télétravail, outils, gestion des ressources, …) tout en renforçant la cohésion sociale
- Prise de conscience de l’imbrication du tissu socio-économique. L’indispensable disposition à traiter les désormais imprévisibles « cygnes noirs » ; développer de nouvelles compétences d’empathie et de compréhension économique par les partenaires sociaux
- Prise de conscience collective sur l’absurdité de la surconsommation, de la nécessité de jouer collectif (partage des ressources, entraide volontaire) sens des responsabilités individuelles, découverte de nouveaux métiers, de nouvelles vocations
- Présence d’opportunités d’investissement – avec la capitulation de la bourse – pour les plus malins, les plus agiles : prise de participation voire de contrôle dans les entreprises fragilisées
- La protection des entreprises à genoux par la puissance publique, nationalisations temporaires, regroupements … c’est en cours (formidable réactivité de la BPI, …)
L’individu, et plus particulièrement les jeunes actifs découvrent un nouveau monde. L’économie n’est pas si simple. Les tensions sur les embauches, sur l’immobilier résidentiel et particulièrement l’immobilier de bureaux sont particulièrement fragiles en temps retournement économique.
Le plus optimistes, dont je suis, prévoient une sortie de crise en deux mois.
La fin du premier semestre sera décisive :
- Nous serons lessivés, en particulier le corps médical, les institutions, et bien d’autres
- Les entreprises auront pour la plupart survécu
- Les finances publiques de nombreux Etats seront encore plus tendues
- Nous aurons collectivement beaucoup appris
Peut-être que l’Etat et les Institutions libéreront les énergies en réduisant les contraintes administratives sur les entreprises, les innombrables démarches à répétition.
Peut-être que les Instances des représentants du personnel seront moins dogmatiques et verrons l’intérêt de laisser les entreprises fonctionner en allégeant les entraves.
Peut-être que les actionnaires (y compris l’Etat) accepteront de partager les résultats avec les parties prenantes.
Mais tout cela est pour demain. Pour l’heure, il s’agit de s’organiser pour bien atterrir avant la fin du premier semestre.
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